Synthèse de l’étude de Break Poverty : « Le décrochage des jeunes, comprendre et agir » – Janvier 2023

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« Le décrochage des jeunes est un drame national. » C’est par ce constat que Denis Metzger, président de la fondation Break Poverty ouvre cette étude, soulignant ainsi l’importance et l’urgence d’agir contre le décrochage scolaire, tant il s’agit d’un phénomène majeur en France.

Contexte

En effet, si le nombre de décrocheurs diminue chaque année, et cela depuis cinquante ans, le nombre de jeunes adultes hors de l’emploi et de la formation, lui, ne réduit pas. La France est une exception dans les pays de l’OCDE puisque ce chiffre stagne quand il baisse partout ailleurs. Ainsi, sur les 800 000 jeunes que constituent la génération des 20-24 ans en France, ce sont 160 000, soit 20%, qui restent hors de l’emploi et de la formation, à comparer aux 15% affichés dans les autres pays de l’OCDE.

Au lieu de démontrer l’efficacité des actions mises en place, ce paradoxe français met en exergue leurs limites. Pourtant, l’enjeux de ces actions est immense : il s’agit pour ces jeunes d’acquérir la « capacité de véritablement agir sur leur vie et d’échapper aux immenses difficultés auxquelles, devenus décrochés, ils seront confrontés ». Comprendre et agir contre le décrochage des jeunes est d’autant plus urgent que les conséquences de la pandémie de COVID-19 se font sentir, en amenant un flot de jeunes décrochés et une aggravation des inégalités. Il n’est pas difficile à imaginer que les autres chocs à venir, qu’ils soient sanitaires, sociaux, environnementaux, politiques ou économiques auront eu aussi un impact fort sur ces jeunes fragilisés et à terme, sur la paix sociale et le développement du pays.

La fondation Break Poverty est un fond de dotation qui a pour ambition de prévenir la pauvreté des enfants et des jeunes, en luttant contre le déterminisme social. Elle présente ici une étude riche, réalisée « en toute objectivité et de façon factuelle » qui s’attache à étudier ce phénomène des décrocheurs, soit les jeunes exclus de la formation et de l’emploi. L’étude propose une analyse nouvelle de cette situation à travers la compilation de plus de cent travaux de chercheurs, de données statistiques, ainsi que d’interview de professionnels.

Tout en déconstruisant les idées reçues sur ces jeunes, cette étude apporte une meilleure compréhension de ce groupe dont la sortie sans diplôme n’est pas un accident de fin de parcours, mais le résultat d’un long processus de rupture avec l’école couplé à la reproduction d’un « modèle d’échec et d’exclusion ».

A l’issu de cette étude, « deux grandes pistes se dégagent pour changer la donne et enrichir significativement l’expérience éducative des jeunes en décrochage » : d’une part, la nécessaire refondation de l’école qui demande une remise en cause profonde de son fonctionnement et cela dès le primaire. D’autre part, la piste approfondie dans le cadre de cette étude, qui propose d’investir le temps extra-scolaire en le dédiant à « toutes activités permettant aux jeunes d’avancer et de se construire ».

La question est donc ici de savoir comment agir face à cette question du décrochage scolaire, lourde de conséquences pour le futur du jeune et, par extension, de la collectivité.

Portées et limites : Les actions existantes aujourd’hui pour faire face au décrochage scolaire sont nombreuses mais insuffisantes.

Si les dispositifs mis en place par l’Education Nationale, ainsi que les projets développés par les associations, sont nombreux, ceux-ci ont un impact limité face à l’ampleur des besoins. Il est nécessaire de faire ici un « constat de l’insuffisance des dispositifs proposés aux jeunes en décrochage, qu’il s’agisse à la fois de l’Education Nationale ou des associations.»

Des dispositifs variés au sein de l’Education Nationale ne touchant pas la majorité des décrocheurs

Certains dispositifs notables de l’Education Nationale entendent proposer une expérience différente de l’école, adaptée aux besoins des élèves les plus en difficulté :

  • Le Réseau d’Education Prioritaire (REP et REP+) qui a pris la suite des ZEP. Ce dispositif concentre les moyens financiers, notamment avec des enseignants et encadrants mieux payés et mieux formés, des programmes spécifiques tels que l’aide aux devoirs « devoirs faits » ou encore à l’orientation avec les « cordées de la réussite » en plus d’actions culturelles et sportives. L’objectif clairement affiché vise à « corriger les inégalités sociales et économiques de la réussite scolaire ». Il s’agit du principal dispositif de l’Education Nationale, qui concerne 170 000 élèves par an. Pourtant, les REP touchent moins de 30% des futurs diplômés et sont des « lieux d’exclusion stigmatisants» qui conduisent finalement peu à la « qualification professionnelle et à l’insertion.»
  • Le Programme de Réussite Educative (PRE) : suivi personnalisé aux jeunes en difficulté. Pensé en collaboration avec les familles, enseignants, assistantes sociales, médecine scolaire,…) l’accompagnement prend diverses formes : renforcement scolaire, soutien à la parentalité, actions cultures, sportives, loisirs. 16% des collèges sont concernés.
  • Les Cités Educatives, lancées en 2019, pour renforcer l’action d’acteurs associatifs au service des jeunes, à l’échelle territoriale. Ces Cités Educatives font l’objet de financements publics spécifiques adaptés aux besoins des jeunes de ces territoires.

Classes spécialisées, adaptées à la situation des élèves.

  • Les classes SEGPA pour les collégiens en grande difficulté, dont l’effectif réduit (15 élèves au lieu de 25) et l’accompagnement personnalisé par des enseignants, formés aux approches pédagogiques spécialisées, permet un meilleur suivi. Ce type de classes ne concerne cependant que 20 000 jeunes par an.
  • Les classes ULIS réservées aux élèves en situation de handicap avec leur effectif réduit (7 au lieu de 25) et leurs classes inclusives permettent à ces élèves de partager leur temps scolaire entre classes ordinaires et cours spécialisés. Ce dispositif touche pour sa part 10 000 jeunes par an.
  • Les classes 3ème des Métiers, qui remplacent les 3ème PP en proposant aux élèves destinés au lycée professionnel des cours s’accompagnant d’observations en lycée professionnel ou en CFA, afin de faciliter l’orientation. Ces classes spécialisées touchent 33 000 jeunes par an.

Des approches individualisées existent, telles que du tutorat, des stages de remise à niveau, des cours de soutien, de l’aide à l’orientation, mais celles-ci n’occupent que 2% du temps scolaire moyen d’un collégien en difficulté et concernant 10 000 élèves par an.

Quand l’élève a déjà décroché, celui-ci peut être accueilli dès 16 ans par la Mission de Lutte contre le décrochage scolaire (MLDS) constituée de professionnels et d’enseignants volontaires qui se décline sous plusieurs formes mais qui met l’accent sur l’individualisation du parcours, dans une démarche proche de celles des Classes Relais pour les collégiens en voie de déscolarisation. Si ces dispositifs qui concernent 8 000 jeunes par an sont l’occasion d’une respiration, la période de 2 à 4 mois est trop courte pour que le jeune voit un véritable changement dans son parcours. Sur une période d’un an maximum, le Parcours Aménagé de Formation Initiale (PAFI) propose à environ 200 jeunes à risque de décrochage par an de sortir temporairement du milieu scolaire pour exercer une activité associative, culture, professionnelle ou sportive encadrée.

Des modes de coordination partenarial des acteurs locaux de la formation, de l’insertion, de l’emploi et des acteurs contribuant à la prise en charge des jeunes concernés (E2C, CFA, assos, centre EPIDE, …) existent également comme celui des Plateforme de Suivi et d’Appui aux Décrocheurs (PSAD).

Malgré ces dispositifs d’aide aux collégiens mis en place par l’Education Nationale, le nombre d’heure où le jeune se voit proposer une expérience scolaire différente, si l’on exclue les SEGPA et ULIS, ne représente qu’environ 10% du total des heures passées à l’école.

Des associations n’atteignant pas les publics nécessitant le plus leurs actions

Les associations viennent compléter ces dispositifs avec des projets ciblant particulièrement les jeunes en décrochage. Il s’agit ici d’investir le temps extra-scolaire, qui compte pour 80% de l’emploi du temps des jeunes.

Si des dispositifs existent bien souvent l’échelle du quartier, ceux-ci ne remportent pas l’adhésion des jeunes pour la grande majorité. Cela s’explique soit par un manque de ressources de la famille, ou bien par manque de confiance, par un déficit comportemental ou encore des écarts culturels et un sentiment ou une réalité d’exclusion. L’enrichissement de ces temps extra-scolaires est pourtant fondamental, car il permet d’« ouvrir le champ des expériences et des rencontres pour aider les jeunes à nourrir tous leurs talents ».

L’impact des associations, à travers la trentaine de projets relevés par l’étude, ne représente finalement que 10 heures par jeune et par an, pour 100 000 jeunes, sur les quatre ans de collège. Outre le volume horaire minime dédié à cet accompagnement extra-scolaire, ces acteurs n’atteignent pas toujours les publics décrocheurs, et cela pour plusieurs raisons.

Ainsi, les projets mis en place ne s’adressent pas spécifiquement pas ces jeunes ou bien, quand ils les visent, sont réalisés sur un modèle qui ne permet pas de toucher les plus en difficulté. On identifie ainsi la portée limitée d’activités réalisées en classe entière ou bien uniquement au domicile.

En effet, il est nécessaire de prendre en compte dans la mise en place de ces actions que les jeunes en décrochage cumulent les difficultés. Celles-ci sont de nature variée : tels que les d’handicaps économiques, un capital culturel en décalage par rapport à la norme et une précarité territoriale accrue. « L’école française ne parvient pas à corriger les inégalités de naissance et surexpose les enfants issus de milieux précaires au risque de décrochage. »

De fait, dans un environnement familial souvent marqué par la pauvreté, il existe une corrélation directe entre décrochage scolaire et milieu socio-économique des parents, et plus particulièrement avec le niveau de diplôme de la mère et la catégorie socio-professionnelle du père. De ce fait, les enfants dont les parents sont issus de milieux sociaux défavorisés ont en moyenne quatre fois plus de risques de sortir sans diplôme de l’école. Cela s’explique notamment par le fait que les habitudes transmises par le milieu social sont éloignées des attentes de l’école. Ainsi, l’élève aura plus de facilité si une forte présence de la culture écrite existe dans son environnement, mais aussi si les adultes entourant l’enfant croient une intégration par l’école. Il ne faut pas non plus négliger la question du contexte territorial, qui joue un rôle incontestable dans la réussite scolaire. Les territoires avec de rares exemple de réussite scolaire, une offre locale de formation limitée ainsi qu’une offre de travail pouvant se substituer à l’offre scolaire sont éminemment propices au décrochage scolaire.

« Ce constat n’enlève rien à la pertinence de ces modèles et ne doit pas masquer l’ingéniosité dont peuvent faire preuve de tels acteurs » puisque les retours de terrain sont très positifs tant qu’il est avéré qu’à travers ces activités, les jeunes reprennent confiance en eux, développent des compétences et surtout parviennent pour une partie à échapper au décrochage.

De la nécessité d’un renouveau : Construire sur l’expérience combinée des différents acteurs de terrain pour proposer de nouvelles solutions.

Pourtant, l’Education Nationale, par sa connaissance des bénéficiaires et son investissement à leur égard dispose d’une expérience qui, cumulée à celle des autres acteurs de terrain, tels que les entreprises est à la source de nouvelles manières de faire.

Une expérience forte de l’Education Nationale

L’Education Nationale dispose d’une expérience non-négligeable dans le domaine du décrochage scolaire sur laquelle il s’agit de s’appuyer afin de soutenir la transformation du Collège. Celui-ci doit en effet se tourner vers une adaptation aux besoins et envies des enfants, ainsi qu’une remise en question profonde des méthodes traditionnelles d’enseignement. Le but ici est que « tous les jeunes y trouvent leur place, s’y instruisent et s’y épanouissent comme futurs citoyens responsables.»

Afin d’atteindre cet objectif, il est nécessaire pour le collège de permettre « la reconnaissance de la différence de chaque jeune.» De plus, une place plus importante doit être donnée aux « soft skills » qui sont décisifs dans la réussite scolaire de l’élève et qui lui permettront de dépasser les difficultés d’apprentissage académiques.

Les pédagogues mettent ainsi en avant des principes éducatifs qui sont autant d’axes d’amélioration pour le collège. Il est par exemple question pour les spécialistes de se centrer davantage sur les besoins de chaque élève, ainsi que leur réalité psychologique, leurs rythmes d’apprentissage ou leurs intérêts. Le découpage disciplinaire est quant à lui remis en cause, tout comme la passivité des élèves en classe.

Les spécialistes recommandent de plus des réformes structurelles, tel que le fait d’adapter les moyens aux situations de chaque établissement ou bien encore d’encourager la singularisation des parcours scolaires et la mixité sociale au sein des établissements. Ces réformes doivent tout particulièrement toucher la voie professionnelle, qui concentre la moitié des décrocheurs.

Ainsi, si les décrocheurs sont présents dans toutes les filières, les proportions varient fortement. On note un taux d’échec faible pour la filière générale et technologique, qui concentre le plus de jeunes, mais qui est aussi la plus sélective. La situation varie fortement en bac professionnel, qui connaît quant à lui un taux d’échec de 15%. Le CAP possède lui le taux d’échec le plus fort puisqu’il est de 30%, soit 10 fois supérieur en proportion au bac général et technologique. Cette filière connaît donc la double peine d’un niveau d’echec élevé, avec un potentiel limité en ce qui concerne l’insertion professionnelle. La réforme de ces filières doit donc passer notamment par le rapprochement avec le monde de l’entreprise.

Le rôle des entreprises

Les entreprises ont en effet un rôle à jouer pour améliorer l’orientation et l’insertion professionnelle des jeunes en difficulté scolaire.

Les entreprises sont ainsi encouragées à se mobiliser dans le cadre du Parcours Avenir. Cette participation peut se réaliser sur des durées variables, et permet de faciliter l’engagement des professionnels. Ainsi, il est possible de dédier une heure, en animant une conférence, un jour, en se présentant à un forum métier, une semaine par le stage de 3ème ou bien encore un mois avec la participation à une mini-entreprise. Cet engagement des collaborateurs peut même s’inscrire dans un temps plus long, notamment par le développement du mécénat de compétence au bénéfice des associations qui luttent contre le décrochage scolaire, et favorisent la première insertion professionnelle des jeunes défavorisés.

La sensibilisation à la question des jeunes en difficulté d’apprentissage devrait permettre d’ouvrir des offres de stages, d’apprentissages ou d’emploi avec un encadrement adapté. En allant plus loin, ces offres pourraient permettre à terme d’adapter les formations des jeunes aux besoins réels des territoires.

Cette découverte du monde de l’entreprise est fondamentale dans le choix d’une orientation éclairée pour les jeunes. Ainsi, la rencontre avec des professionnels permet au jeune d’ouvrir son horizon quant à son futur professionnel ainsi que la poursuite de ses études. Le champ des possible est donc démultiplié par la sortie du cadre habituel d’enseignement soit physiquement par la visite d’entreprises, soit par l’entrée de ces professionnels au sein de l’école.

De l’intérêt à agir : un investissement rentable dont l’urgence se fait ressentir

Loin de proposer une liste de solutions prêtes à l’emploi, l’étude propose plutôt de réfléchir à la manière d’approcher cette question du décrochage scolaire. En effet, une réelle évolution de cette prise en charge « demande une véritable alliance de tous les membres de la société (familles, professionnels, associations, entreprises, collectivités, collectifs citoyens…) aux côtés des familles des jeunes en décrochage, à l’échelon local.» Si les pistes développées au sein de cette étude peuvent exister l’une sans l’autre, leurs pleins effets ne seront obtenus que si les actions sont combinées. Il existe un réel retour sur investissement dans la mise en place des dispositifs prévenant le décrochage scolaire, dont l’effet serait démultiplié si les acteurs s’accordaient sur l’urgence à agir.

Le ROI de l’investissement du temps scolaire

En effet, on peut estimer un budget de 3500 euros par an et par enfant pour un accompagnement complet sur l’année. Dans ces frais sont comptées notamment des activités extra-scolaires hors période de vacances, estimées à 1000 euros si l’on cumule les activités régulières non-scolaires et les activités ponctuelles telles que les sorties culturelles et les activités sportives. On peut de plus considérer les activités à réaliser pendant les vacances, qui atteignent elles aussi les 1000 euros, si deux semaines de vacances sont proposées, une première fois à distance du domicile, et une seconde fois à proximité de celui-ci. Enfin, le mentorat est estimé à 1800 euros, sur la base de 4 heures par semaine, pendant 30 semaines à 15 euros de l’heure. Si la collectivité prend en charge 90% de cette dépense, en considérant que les 10% du temps restant est assuré par des bénévoles, donc « gratuit », le reste à charge pour la commune est de 3420 euros.

On peut comparer ce montant au coût estimé des politiques curatives, notamment au travers des coûts directs tels que le chômage de longue durée nécessitant 8000 euros par an et par personne, ainsi que le RSA socle et les différents minimums sociaux avec 6700 euros par an et par personne. Les décrocheurs ont un coût élevé pour la collectivité. Celui-ci est estimé à 230 000 euros en 40 ans selon une étude du cabinet Boston Consulting Group datant de 2013, à comparer avec les 30 000 euros de coût moyen par élève des 4 années de collège.

« Investir dans la lutte contre le décrochage scolaire peut se révéler un investissement très rentable sur le long terme. » Si l’on considère un accompagnement sur une durée de 7 ans, allant du CM1 à la seconde, le retour sur investissement est de 2,4 euros pour 1 euro investi. Ce bénéfice pourrait être d’autant plus important si le mentorat était entièrement bénévole, passant à 5 euros pour 1 euro investi. « On peut donc théoriquement multiplier par 8 les dépenses éducatives pour mettre fin au décrochage de ces jeunes, sans coût supplémentaire pour les pouvoirs publics ».

 Une situation qui se dégrade, nécessitant une action coordonnée et prompte

L’énorme majorité des jeunes en grande difficulté d’insertion ne sont peu voire pas diplômés. Ainsi, 56% sont sans diplômes, 18% ont le niveau CAP et 15% ont le niveau bac.  Trois ans après leur entrée dans la vie active, un tiers de ces jeunes sont encore chômeurs. Si cette situation est difficile, la tendance n’est pas à l’amélioration.

En effet, sortir sans diplôme du système scolaire en 2020 n’a pas le même impact sur la vie du jeune qu’il n’y a ne serait-ce que quelques années. L’écart se creuse ainsi entre les diplômés et les non-diplômés depuis les années 1980. En 2001, le taux de chômage des jeunes non-diplômés était de 25%, contre 50% 15 ans plus tard. Ce chômage est de plus souvent à long terme : 7 ans après la sortie d’école, les non-diplômés passent 40% de leur temps inactif ou au chômage, contre 10% pour les diplômés.

Sortir faiblement diplômé ne permet pas non plus d’échapper à cette précarité, puisque le taux de chômage a doublé pour cette population. Ainsi, les diplômes considérés comme faibles comme le CAP sont de plus en plus au chômage : en 2001, 13,5% étaient encore au chômage trois ans après la fin de leur études, contre 27% en 2016. La tendance est similaire chez les bacheliers.

Cette accélération de la dégradation des conditions de vie des jeunes pousse d’autant plus à s’interroger sur la question du décrochage scolaire. Ainsi, plus les réformes tarderont, moins les acteurs s’accorderont sur la marche à suivre, plus la situation se détériorera, mettant à mal le futur des jeunes, mais aussi du pays, d’un point de vue économique et de paix sociale.

Conclusion et synthèse des arguments

Cette étude nous permet donc de s’interroger sur la marche à suivre face à cette question du décrochage scolaire, lourde de conséquences pour le futur du jeune et, par extension, de la collectivité.

« Au global, l’insuffisance des dispositifs mis en place actuellement fait de l’Ecole française la championne du déterminisme social. » Comme nous l’avons vu, en matière d’insertion des jeunes, la France connaît un profond retard dans sa performance, particulièrement si l’on compare celle-ci aux autres pays développés. Au sein de l’Union Européenne, la France est le pays où les faiblement diplômés ont le plus de difficultés à s’insérer professionnellement. Seule l’Italie ou la Grèce font pire en Europe.

C’est donc ce terrible paradoxe français, où si le nombre de jeunes sortis sans diplôme diminue chaque année, mais où le nombre de jeunes décrochés lui, ne faiblit pas qu’il s’agit de résoudre. Parmi ces décrochés, la situation des faiblement diplômés est particulièrement critique puisque plus de la moitié sont au chômage plusieurs années après leur sortie du système scolaire. Sur le long terme, c’est une grande difficulté d’insertion sociale qui attends ces jeunes, avec un parcours marqué par la pauvreté, mais aussi les privations et les rapports conflictuels aux institutions.

Deux pistes sont proposées par cette étude de la Fondation Break Poverty afin de s’attaquer à cette question : d’une part, repenser l’école et l’adapter aux problématiques actuelles. Ces changements profonds de l’institution scolaire doivent permettre de mieux accueillir les jeunes qui ne trouvent pas leur place à l’école.

D’autre part, , créer une alliance locale de tous les membres de la société : familles, professionnels, associations, entreprises, collectivités. Cette mobilisation de la société civile doit permettre de soutenir et d’accompagner les jeunes et les familles.

Afin d’aiguiller ce changement dans le rapport au décrochage scolaire en France, nous pouvons regarder vers des modèles à l’étranger. Un exemple incontournable est celui du système éducatif finlandais, qui figure parmi les mieux classés du monde. Ce système est notable car outre son niveau moyen, c’est tout particulièrement la faiblesse de l’écart entre les élèves qui interpelle, expliqué peut-être par l’inclusion des élèves en difficulté d’apprentissage au sein des classes ordinaires. Les programmes de mentorat, sur le modèle de ce qui est développé en Amérique du Nord sont eux aussi une piste sérieuse dans le renouvellement de l’action contre le décrochage puisque leur évaluation scientifique démontre leur impact et valeur. De manière plus générale, on notera l’efficacité d’un surinvestissement public à l’intention de ces jeunes, qui est plus fort en Amérique et en Europe du Nord que dans notre pays.

L’enjeu du décrochage est immense et concerne 100 000 jeunes chaque année, soit 13 % des 800 000 des 20-24 ans qui se retrouvent ainsi hors de la formation, de l’emploi et de la société.  L’action sur cet enjeu systémique nécessite une mobilisation de la société civile ; c’est un enjeu de cohésion sociale. Faire agir ensemble les différents acteurs est ce en quoi nous croyons et la piste d’action sur laquelle nous nous concentrons. Nous agissons dans une démarche d’impact collectif selon laquelle une action conjointe et coordonnée sera toujours plus efficace que la somme des actions de chaque acteur, qu’il s’agisse de l’Education Nationale, des associations ou encore des entreprises. Grâce aux associations et entreprises partenaires de notre programme Défi Jeunesse, action commune à destination des collégiens et portée collectivement par nos partenaires, nous nourrissons l’ambition scolaire et professionnelle des jeunes. Pour que chaque jeune trouve sa juste place dans la société.

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